Sea Shepherd Rescue Center
Changeons de regard sur le Vivant
Sea Shepherd Rescue Center est le premier centre de soins pour la vie sauvage de Sea Shepherd au monde. Aux actions de terrain traditionnelles de Sea Shepherd France contre la surpêche et le braconnage s’ajoutent désormais les secours et les soins aux animaux sauvages.
Le mot de la Présidente
Lamya Essemlali
L’humanité est la plus grande force de destruction du Vivant que cette planète ait connue. Nous avons exterminé plus d’espèces ces 60 dernières années que la planète n’en a perdues en 60 millions d’années. Nos modes de vie ultra consuméristes répondent à notre appétit toujours plus grand pour la sève du monde naturel que nous avons réduite au statut de «ressources». Dans notre vision anthropocentrique, les espèces sont des «stocks» et la «gestion» globale de la biodiversité nous maintient au-dessus -et donc en dehors- de la grande communauté du Vivant. Cela a fait de nous une espèce malade de solitude et d’angoisse qui cherche d’autres formes de vie « intelligente » dans l’espace, ignorants de la beauté et de l’état de conscience incroyable de toutes celles qui partagent cette planète avec nous, et que nous avons complètement désacralisées. Et avec elles, nous aussi.
La tragédie que j’y vois est que ce que nous recherchons si désespérément dans notre course effrénée vers la mondialisation, est précisément dans ce que nous détruisons par ailleurs. Nous avons tout pris au monde sauvage et ce faisant, nous y avons laissé notre âme et y avons perdu le sens de l’existence. Nous le recherchons désespérément partout sauf là où nous devrions regarder en premier : la part sauvage qui se meurt en nous.
Cette humanité droguée au matérialisme et au consumérisme, sous perfusion d’anxiolytiques, court après des chimères au moyens d’outils technologiques désormais en mesure de détruire le monde.
J’ai grandi en banlieue parisienne dans ce que certains appellent « les territoires perdus de la République ». Un univers bitumé, une architecture carcérale, le quartier de mon enfance était à l’époque une plaque tournante des trafics de drogue, voitures brûlées, descentes de flics et contrôles au faciès, professeurs agressés, jeunes humiliés étaient le quotidien. Combien de destins brisés et de vies gâchées… Pour ma part, l’océan m’a sauvée. C’est le lien que j’ai pu recréer avec le monde sauvage qui m’a donné la clé de ma prison et qui a donné un sens à ma vie.
Je pense qu’au-delà des jeunes des banlieues difficiles ou des jeunes tout court (dont les tentatives de suicide en France ne font qu’augmenter), cette quête de sens, plus ou moins consciente selon les gens, est néanmoins universelle. Quelle que soit notre activité, notre catégorie socio-professionnelle, notre culture… renouer avec le sauvage, lui faire de la place autour de nous mais surtout, en nous, est un préalable indispensable à l’apaisement de nos angoisses existentielles et de nos névroses. Il n’y a pas de paix intérieure, pas de paix entre humains qui soit possible, sans que nous ne fassions la paix avec le Vivant.
Et cela commence par le sauvage près de chez nous. Nous créons ce centre de soins, non seulement pour secourir physiquement des individus, mais aussi pour raconter leur histoire. Raconter au monde comment et pourquoi le Vivant se meurt et ce que nous pouvons faire pour y remédier. Il s’agit aussi de rappeler que si elle n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut jadis, même si la majorité d’entre nous en est désormais totalement coupée, cette vie sauvage est encore là, en Bretagne et ailleurs. Souffrante, restreinte au peu d’espace que nous avons bien voulu lui laisser mais toujours belle, inspirante, libératrice…
Tant qu’il reste un espoir pour elle, il en reste un aussi pour nous.
Lamya Essemlali